30 juillet 2013

Donner priorité à la dette et à la réduction des déficits, c’est jeter des steaks aux requins

Chaque matin, les radios mentent : « Il n’y a plus d’argent dans les caisses. » « Si on ne rembourse pas la dette, nos enfants devront la payer. » « Chaque enfant qui naît, naît avec 25 000 euros de dette sur la tête. » « Un État, c’est comme un ménage, il ne doit pas dépenser plus que ce qu’il gagne. » « On dépense trop. » « Il faut faire des économies. » Comment comprendre que tout ça est de la propagande pour vous faire bosser plus en vous donnant moins ?

Comment admettre que notre gouvernement de gauche reprenne ces leitmotivs ? Et qu’incroyablement, il vienne de décider d’un budget d’austérité 2014 qui s’avère un record dans les annales. Pourtant, la preuve est faite, année après année : la dette publique de la France s’élevait à 85,9 % du PIB, fin 2011, et à 90,2 %, fin 2012. Elle a atteint 91,7 % à la fin du premier trimestre 2013, selon l’INSEE. Quelle est cette politique qui aboutit au contraire de ce qui est escompté et annoncé ? À quoi ça sert que le déficit baisse de 5,3 % en 2011, à 4,8 % en 2012, qu’il atteigne 3,9 % du PIB en 2013 ? Il est fixé à 3 % en 2014 et à 0,5 % en 2017 pour obéir aux libéraux de Bruxelles et au TSCG (« traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » sic).

Mais au fur et à mesure, la dette publique augmente de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Pourquoi ? Parce que cet argent qui sert à rembourser la dette, ces économies qui sont faites sur les dépenses, induisent stagnation de la croissance et récession. Le blocage du SMIC et le gel des points d’indice des fonctionnaires, la baisse des salaires et des retraites aboutissent à celle des recettes fiscales et sociales. La stagnation des salaires et des prestations sociales exigée par le MEDEF et la Commission européenne écrase la demande solvable des salariés. C’est comme un commerçant dont la banque exige de payer des traites à marche forcée au détriment de l’approvisionnement de ses stocks. Son chiffre d’affaires baisse et sa dette augmente au fur et à mesure qu’il la rembourse. C’est comme un jardinier qui arrose le fleuve pendant que son jardin dépérit.

Donner priorité à la dette et à la réduction des déficits, c’est jeter des steaks aux requins, mais c’est aussi les enlever de la bouche des passagers du navire. Sans desserrer l’étau usurier des banques privées, sans remettre en cause les dettes publiques de l’État, et investir tout de suite, de façon urgente, dans la relance, il n’y a pas d’issue.

En un mot, il faut dépenser « plus » (et non pas « moins ») pour nous en sortir. Au lieu de nous serrer la ceinture, de nous flexibiliser, il faut travailler mieux, moins, tous, et gagner plus... Tout de suite. Il va falloir être nombreux – comme au Portugal, en Turquie, en Égypte, au Brésil – à manifester à la rentrée en défendant nos retraites, pour que la gauche entende cela.



Gérard Filoche - l'Humanité Dimanche